Bonjour bonjour ! 🙂
Pour continuer sur le sujet de l’écoute qui est si crucial dans les relations, je rencontre aujourd’hui Esther. Formée à l’écoute et à l’accompagnement, Esther est passionnée par les relations humaines et je te propose de lire son interview.
- Bonjour Esther, j’aimerais parler aujourd’hui avec toi de l’importance de l’écoute dans les relations. Tout d’abord, peux-tu nous en dire plus sur ton parcours de vie ?
J’ai grandi dans une famille très peu communicante. Pas d’écoute, mais une éducation très normative. L’adulte est tout-puissant et dicte tout, ce qu’il faut faire ou pas, ce qu’il faut aimer ou pas. Ce style éducatif était très largement inspiré de la pédagogie noire. Les frustrations que l’enfant accumule ainsi en grandissant sont immenses. Certains se révoltent et partent le plus tôt possible du domicile familial en claquant la porte. Ma stratégie de survie a été différente, mais il est plus qu’évident que mon appétence pour la communication me vient de ces carences. Trouver le secret pour vivre des relations harmonieuses, saines, épanouissantes a été mon Graal. Je me souviens que ma toute première rencontre avec l’écoute active s’était faite en découvrant la méthode Gordon. Cela avait été comme un révélateur pour moi. Comprendre la source de beaucoup de frustrations dans les relations. Combien une écoute véritable, sans jugement peut contribuer à embellir nos rapports les uns aux autres. Combien c’est ressourçant et cela nous propulse vers l’avant.
- A ton avis, pourquoi avons-nous tant besoin de nous sentir écouté ?
Pour la simple et bonne raison que la plus grande souffrance pour l’homme, c’est la solitude ! L’homme est très ingénieux pour faire face aux diverses épreuves de la vie, mais n’avoir personne avec qui partager ce qu’on vit peut rendre fou. Que l’on soit un bavard extraverti ou un introverti plutôt calme, ce besoin est universel. Dans le film « Seul au monde » Tom Hanks (alias Chuck Noland, le naufragé) s’invente un ami imaginaire (‘Wilson’ le fameux ballon de basket) avec qui il partage ses joies, ses peines, son cœur pour ne pas sombrer dans la folie. L’enfant qui grandit sans une bonne qualité d’écoute fait de même pour survivre. Il s’invente un ami imaginaire, fait de ses peluches ses confidents.
Quand mes enfants étaient petits, je leur avais un jour demandé ce qu’ils emporteraient (3 objets maximum) s’ils se retrouvaient sur une île déserte. Je pensais que, en fonction de leur personnalité, les réponses varieraient entre : « mon doudou, un couteau multifonction, un baril de ketchup pour survivre, une lampe de poche dynamo, une canne à pêche… » Ce qui m’avait frappé, c’est qu’ils m’avaient regardés horrifiés par cette idée et que, (alors qu’ils sont très différents de tempérament), ils avaient répondu spontanément un moyen de communiquer avec les autres. (Téléphone) Au delà du confort matériel, le fait d’être en rupture totale avec d’autres personnes était le plus inimaginable pour eux.
On peut en effet survivre à l’inconfort ou à des conditions difficiles, mais la solitude la plus absolue est un enfer pour l’homme. Parfois, cela peut être un refuge pour un temps, un réflexe de survie, un besoin de se mettre à l’écart pour panser ses blessures, mais cela ne peut pas durer. Observez les personnes qui ont été profondément blessées relationnellement. Même si ces personnes s’enferment dans un style de vie « ermite » et limitent au strict minimum toute interaction avec les autres pour se protéger, il est intéressant de constater que ce besoin de partager – et d’être écouté – est plus fort que tout. Ils vont monologuer avec leur chien par exemple. Et cela va nourrir ce besoin d’être écouté, compris, validé par « quelqu’un » ! Ce sentiment d’être compris parce qu’un animal de compagnie exprime par son regard une forme d’empathie n’est pas stupide. Ce n’est pas pour rien que l’on sollicite parfois d’un animal pour libérer la parole. On sait combien certains mammifères sont doués d’intuition et de sensibilité. A ce propos, je me rappelle d’ailleurs qu’enfant, lorsque mon chagrin était trop lourd et que je pleurais sans bruit, ma chatte venait en silence s’allonger sur moi et plongeait ses yeux dans les miens comme pour me consoler. Alors que les chats sont réputés pour leur indépendance et ne rechercher les interactions que quand EUX le désirent, j’avais l’impression qu’intuitivement, elle sentait que j’avais besoin de réconfort et de sollicitude.
- As-tu des témoignages où l’écoute active s’est révélée bénéfique pour toi ou la personne en face ?
Tellement ! Quand on accompagne quelqu’un, seule une bonne qualité d’écoute dénuée de préjugées, de ses propres filtres intérieurs permet de rejoindre véritablement le cœur de cette personne, de comprendre sa problématique. Et ce qui m’impressionne toujours autant, c’est cette puissance de vie que porte en elle une écoute véritable : elle fait émerger les conflits intérieurs, les blessures enfouies, tous ces nœuds et verrous que l’on porte en soi qui nous freinent et nous empêchent d’aller vers notre destinée. C’est pour moi un émerveillement sans cesse renouvelé que d’assister à ces moments précieux, quand une personne accompagnée se reconnecte avec qui elle est véritablement, ce que j’appelle son enfant intérieur. Il y a quelques jours, j’animais une conférence sur ce sujet de l’écoute justement. J’ai demandé au public de réfléchir et de partager ce qu’ils ressentaient quand ils se sentaient véritablement écoutés. Leurs réponses spontanées étaient si fabuleuses que j’en ai noté quelques-unes :
- Cela me redonne confiance en moi
- C’est un soutien pour avancer…
- Cela me permet de mieux réfléchir
- Cela me donne de la joie et du plaisir…
- Je me sens apaisé et rassuré…
- Cela m’encourage à communiquer plus…
- Je me sens aimé et respecté…
- Je me sens important…
C’est tellement révélateur ! A contrario, ne pas se sentir écouter engendre frustration, contrariété, découragement et sentiment de rejet.
L’écoute active dans le couple est tout aussi bénéfique, mais plus difficile à mettre en œuvre. Lors d’un conflit par exemple, chaque partenaire est retranché derrière ses propres systèmes défensifs. Prisonnier de ses émotions. Elles mêmes sont amplifiées par toute la charge émotionnelle qui nous vient du passé et que le conflit présent réactive. Difficile alors d’être bienveillant pour l’autre !
C’est donc véritablement défiant pour l’un – ou l’autre – de faire l’effort d’en sortir pour aller à la rencontre du conjoint. Défiant, mais pas impossible ! Cela s’apprend. Le mieux est de commencer à l’apprendre avec le soutien d’un bon thérapeute, jusqu’à être suffisamment à l’aise pour en faire un style de vie. A titre personnel, j’ai expérimenté de nombreuses fois combien cela peut dénouer des situations bloquées et permet de sortir d’impasses douloureuses !
- Pour toi, qu’apportes l’écoute active dans nos relations ?
Elle les fluidifie. Car elle y apporte de l’amour. Quand on se sent écouté, on se sent compris et rejoint dans ce que l’on vit. Cela brise l’enfermement de la solitude. C’est pour cela que d’une certaine façon, on se sent aimé ! Pour donner une image, je dirais que quand on vit une situation difficile, on est un peu comme dans une prison émotionnelle où l’on tourne en rond. Si quelqu’un t’offre alors une véritable écoute, c’est comme s’il venait t’y rejoindre. Or, ne plus se sentir seul dans cette prison émotionnelle apaise la douleur. C’est le premier impact bénéfique. Et non des moindres !
Mais le second impact positif que je constate si souvent est celui-ci : toute l’énergie était auparavant mobilisée par la « gestion » de cette douleur. Or, l’apaisement (et non l’évacuation) de la douleur va permettre une restitution de l’énergie intérieure, qui est de nouveau disponible pour qu’on puisse se mettre en quête de ressources et de solutions pertinentes afin de confronter cette situation difficile.
- Si on veut aller plus loin dans ce domaine, comment faire ? As-tu des livres, enseignements ou formations à nous conseiller ?
Il y a d’excellents livres qui donnent des bons conseils. Mais parler de technique me fait toujours un peu peur. Car ces outils sont au service de quoi ? Ou de qui ? Au delà des postures ou techniques à acquérir, ce qui pour moi est fondamental, c’est que ce désir d’écoute soit avant tout au service de la bienveillance. Bienveillance pour l’autre. Et l’on ne peut avoir cette bienveillance pour l’autre que si on a eu au préalable cette bienveillance pour soi. Bienveillance n’étant pas synonyme de complaisance. Ce qui revient à dire qu’on ne peut bien écouter l’autre que si soi-même on s’est senti bien écouté. Ça, pour moi, c’est le bon pré-requis sur lequel développer par la suite une bonne « technique ». Or, ce pré-requis là ne s’apprend pas dans les livres ou des séminaires. C’est le résultat d’un cheminement intérieur vers son propre cœur.
En savoir plus sur Esther :
Esther, formée à l’écoute et à l’accompagnement, est aussi conférencière et formatrice.
Avec son mari, elle anime régulièrement des séminaires sur les relations et est la fondatrice de l’association Emergence.
Ils abordent des thèmes comme la guérison intérieure, l’importance de l’écoute, la résolution des conflits… avec une approche globale de l’être humain qui réconcilie psychologie et spiritualité.
Superbe article!
Ravie d avoir lu « méthode Gordon » qui est pour moi la bible dans ce domaine (et plus simple à lire que la vraie bible :D).
J ai plus de difficulté à écouter activement mon conjoint (qui pense que je le prend pour une andouille) que les enfants… la réponse » j essaie de te comprendre » ne lui va pas :/
J ai appris à communiquer avec les animaux donc je communique plus facilement avec le langage du corps que la parole donc plus aisé avec les enfants (très observateurs) que les adultes…
Merci beaucoup Lindsay ! Effectivement, cela peut sembler tellement plus facile avec les enfants. Et puis, il y a bcp de facteurs liés aux différences hommes / femmes, aux différences de backgrounds familiaux qui peuvent également rendre plus difficile la communication avec ton conjoint… courage pour ça !